Jour quatre by Sarah Lotz

Auteur:Sarah Lotz [Lotz, Sarah]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Thriller
ISBN: 9782823843460
Éditeur: Fleuve Éditions
Publié: 2016-03-16T13:00:00+00:00

La servante du diable

La buanderie, naguère véritable ruche d’activité, d’odeurs de lessive, de voix et de ronflements de machines géantes, était déserte, obscure. Il y régnait un fort parfum de renfermé. Althea jeta dans un angle ses sacs de draps et de serviettes sales. Maintenant, que quelqu’un d’autre s’en occupe. La plupart appartenaient aux Lineman. Mme Lineman n’avait ni levé le petit doigt pour l’aider, ni parue gênée par la porcherie emplie de linge sale et de fluides corporels qu’était devenue sa cabine. Il avait fallu une heure à la jeune femme pour tout remettre en ordre. Toutefois, imaginer ce bastardo stupide en train de se vider les tripes dans un sac la payait presque du travail supplémentaire. À l’inverse, Helen avait insisté pour changer les draps elle-même et lui avait demandé respectueusement si elle pourrait lui apporter un seau, un vaporisateur d’eau de Javel et des chiffons pour nettoyer derrière Elise au besoin. Althea devait à tout prix retourner voir les deux vieilles dames plus tard, s’assurer qu’elles avaient tout ce qu’il leur fallait.

Que le bateau n’ait pas été mis en alerte rouge la surprenait ; elle avait déjà connu deux épidémies de gastro-entérite au fil des ans, et c’était la procédure standard. Althea comptait bien éviter de tomber malade. C’était simple : se laver et se désinfecter les mains ; ne rien toucher sans porter de gants et ne pas lésiner sur l’eau de Javel. On comptait deux passagers malades de plus côté tribord – Electra ne s’était pas montrée pour travailler dans sa section –, et Althea s’était assurée qu’ils ne manquent de rien. Quand le paquebot rentrerait enfin au port cahin-caha, qu’ils soient restés si longtemps en panne ferait beaucoup de bruit, et une fois toute l’histoire terminée, ce serait d’Althea que les passagers se souviendraient. Elle qui n’aurait pas abandonné son poste une seule fois. Ce n’était toutefois pas sans conséquence : l’épuisement, en vagues acides, remontait le long de ses jambes. Elle avait mal dormi. Comment aurait-il pu en être autrement ? Le garçon lui était apparu en rêve pendant la nuit – du moins, elle espérait que c’était un rêve. Il s’était pelotonné au pied du lit, et elle avait à peine osé respirer par crainte de le déranger.

Puis Mirasol était revenue des toilettes, elle avait claqué la porte, et le garçon… le garçon avait disparu. Peut-être cet enfant qu’elle voyait était-il le sien. Celui qui grandissait dans son ventre. Le bébé qu’elle allait avoir, lui disant qu’elle devait accepter son sort. Elle secoua la tête. Loca. Il n’y avait pas de fous dans sa famille, quoique sa sœur, d’un caractère nerveux, fût devenue capricieuse, irrationnelle et renfermée après avoir eu son troisième enfant. Mais c’était normal, Althea avait observé cela bien des fois. Non. Ce qui la travaillait, c’était le stress. La situation effrayante. Aujourd’hui, même les vétérans qui travaillaient sur les paquebots depuis des années avaient les jetons. L’Internet était encore en panne, et d’après Angelo, il ne faudrait pas longtemps aux générateurs de secours pour tomber à court de carburant.

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